
« ZOE, c’est simple! » s’exclame un bambin, un brin espiègle pour nous vanter la nouvelle offre électrique de Renault. Tout aussi simples, ces nouveaux produits d’entretien ou de beauté multipliant les offres triple voire quadruple actions fusionnant dans un même geste plusieurs insights consommateurs. Simplissimes enfin ces nouvelles coopératives vendant directement par les producteurs eux-mêmes leurs récoltes aux consommateurs. Cette tendance est-elle un simple mea culpa temporaire d’une société en pleine repentance d’une hyper modernité déceptive ou bien un élan de sincérité oh combien salutaire?
Au-delà du contexte de crise, conduisant les européens à reconsidérer l’utile du futile, cette recherche de simplification s’inscrit également dans une volonté de reprendre le pouvoir au sein d’une société dont la sophistication voulue par quelques-uns a fini par lasser le plus grand nombre.
Unité de temps, de lieu et d’action. Jamais les marques n’ont revendiqué avec autant de zèle leurs capacités à tout faire simultanément. Un zèle remettant en cause cinquante ans de pratiques Marketing reposant sur la segmentation et la diversification. Désormais, toutes fondent leur discours sur une recherche effrénée du plus grand commun dénominateur.
Simplification des concepts, des discours, des stratégies, des identités, des hiérarchies. Partout les marques cherchent à renouer avec les fonctionnalités primordiales du produit, à flatter l’expérience utilisateur, bref à rassurer le consommateur redevenu citoyen sur l’éthique, la durabilité ou l’extrême praticité du produit. Une simplification qui nous ramène 70 ans en arrière, époque où la pensée marketing venait à peine de découvrir la segmentation.
Aujourd’hui, tout doit devenir intuitif, partageable, échangeable, accessible, que ce soit financièrement, géographiquement ou intellectuellement. Pour ce faire, les marques n’hésitent plus à hybrider, à mélanger, à réconcilier des technologies jadis incompatibles.
Loin d’être monolithique, cette recherche de simplicité est protéiforme et prend selon les offres qu’elle traverse différentes postures.
Simplifier par l’usage
C’est le cas de ces nouvelles offres produit tous secteurs confondus résolument tournées vers un bénéfice de praticité maximale.
Côté beauté, cette tendance a fait émerger de nouveaux concepts comme la BB Cream. Désormais, un même produit peut teinter, hydrater, unifier, protéger et corriger le teint. Son succès a mené les fabricants à repenser une partie de leur portefeuille existant afin de re-susciter curiosité et émotion.
Les professionnels réfléchissent déjà à des produits susceptibles de fusionner différentes technologies dédiées jusqu’ici spécifiquement à la peau, aux cheveux ou au maquillage. Cela s’appelle la mixologie.
Goha, marque française de cosmétiques, n’a pas hésité à sortir une eau parfumée mixte susceptible de parfumer simultanément le corps, le linge, les vêtements ou la maison. Chez Guerlain, la petite robe noire a été déclinée en « eau de lingerie » destinée à parfumer les vêtements.
Simplifier par la symbolisation
En se lançant dans une intense iconographie universelle sur les murs des grandes villes, McDonald’s cherche à nous faire adhérer implicitement, à grands renforts d’émoticônes, à des images fictionnelles de ses produits piliers ( hamburger, Sunday ) comme s’ils étaient devenus les nouveaux totems autour desquels devrait en toute logique se structurer une sorte d’extase voire de transe commune.
Simplifier par le format
Notamment télévisuel. C’est le cas du succès sans cesse grandissant des formats courts établissant de véritables cartons d’audience en prime time : Catherine et Liliane sur Canal +, Scènes de ménages, Pep’s ou Nos chers voisins sur les chaînes concurrentes.
Irrévérences et persiflages font aussi partie des recettes gagnantes. Gaspard Proust, Vincent Dedienne, Cyrille Eldin ou trois méthodes inédites pour déstabiliser voire irriter hommes et femmes politiques du moment.
Simplifier par la vulgarisation
C’est la profession de foi de ces nouveaux philosophes 2.0, tels que Vincent Cespedes, Raphael Enthoven ou des conférenciers Tedx. Tous utilisent l’ultra-médiatisation pour nourrir notoriété et argumentation facilement digeste par l’auditoire.
Simplifier par l’uniformisation
Redécouverte très tendance de la blouse ou du tablier grâce à nos voisins anglais, américains ou espagnols chez qui le port d’un uniforme, que ce soit à l’école ou à l’université, est une pratique vieille parfois de quatre siècles.
Simplifier par la dé-hiérarchisation
Aujourd’hui, certaines entreprises, comme Zappos, leader de la vente de chaussures sur internet, remettent en cause la sacrosainte hiérarchie pour lui substituer une organisation plate. Dans cette start up, plus de hiérarchie, mais différentes équipes autonomes, auto-organisées et affectées chacune à une tâche. Chaque salarié appartient à un ou plusieurs cercles et se voit désigné simplement comme “membre de la famille Zappos”.
Simplifier par le dépouillement
C’est le cas du flat design initié dès 2010 par Microsoft avec Windows Phone. Exigence de rapidité, d’épure, de légèreté, d’accessibilité. On cherche à travers le dépouillement des lignes à signifier en creux l’efficacité maximale du produit. Finie la représentation réaliste de la fonction ou d’un goût, place à la suggestion subliminale.
Alain ROUSSO, NTTW