Fahd Al-Rasheed est le PDG d’EEC, l’entreprise chargée de gérer et de développer King Abdullah Economic City, une ville privée de 180 km2 située au bord de la mer Rouge, en Arabie saoudite.
A quoi ressemble le rôle du PDG d’une ville ?
Je pense que les villes sont habituellement dirigées par des politiciens, qui sont en général élus ou désignés. Et le fait que ce soit un rôle politique pose parfois problème.
Quel est le rôle de l’entreprise pour laquelle vous travaillez, Emmaar ?
Nous sommes la première ville cotée en Bourse au monde, sur la Bourse saoudienne. Emaar est le leader du consortium chargé de développer la ville et possède 30 % des parts, 40 % appartiennent à d’autres grandes entreprises, et 30 % sont cotés.
Est-ce qu’une ville peut garantir un retour sur investissement à ses actionnaires?
Un des bons aspects du secteur privé, c’est que par définition il doit créer de la valeur: je dois vendre plus cher que le coût de revient.

Comment financez-vous les dépenses de fonctionnement ?
Les villes du monde entier collectent des taxes, sur l’activité ou sur l’immobilier. Nous faisons la même chose, sauf que ce ne sont pas des taxes mais des frais de service que nous calculons de façon très transparente : les données figurent dans nos comptes. Et comme ce sont nos clients, ils n’hésitent pas à se plaindre si le service est mal rendu. S’ils se plaignent, la ville peut changer de prestataire.
Comment établit-on le schéma d’une ville à partir d’une page blanche ?
La première règle a été de réduire le plus possible l’impact environnemental. La deuxième a été de limiter le besoin de transports en rapprochant les espaces de travail, de logement et de loisirs.

Combien de gens habitent actuellement ?
Pour l’instant c’est encore peu, de l’ordre de 3.000 personnes. Mais les entreprises arrivent les unes après les autres, avec leurs employés : Sanofi vient tout juste de s’installer, par exemple. Nous doublons notre population tous les six mois, et nous pensons atteindre 50.000 personnes d’ici à 2020, et 2 millions de personnes à long terme, à l’horizon 2035. Nous signons avec une compagnie par semaine, dont beaucoup d’entreprises françaises : Total, Alstom, Sanofi, Renault… C’est très important pour nous car l’objectif de cette ville est de créer des emplois : la population saoudienne est très jeune, donc nous devons créer énormément d’emplois.
Les villes privées visent souvent la partie la plus aisée de la population. Cela ne semble pas être le cas du projet KAEC. Pourquoi ?
Parce que nous voulons créer une ville qui soit durable, et pour cela nous avons besoin de concevoir différents types d’activités et donc de logements. Notre plan prévoit environ 20 % de logements abordables, 20 % destinés aux travailleurs, 30 % pour les classes moyennes et 20 % de logements haut-de gamme.
Est-ce qu’ils habiteront dans les mêmes quartiers ?
Non, car il y a des quartiers plus ou moins chers. Mais nous avons décidé de fournir les mêmes aménagements à toutes les communautés : si nous aménageons une plage pour les plus aisés, nous aménageons aussi une plage pour les travailleurs. Et nous voulons proposer de la mobilité sociale. La raison en est simple : quand vous créez des services haut de gamme, comme des hôtels ou des restaurants, vous avez besoin de main d’oeuvre. Mais si vous ne prévoyez pas d’héberger cette main d’oeuvre, vous allez créer soit des embouteillages, soit des bidonvilles, et dans les deux cas vous allez détruire de la valeur.