Jean-Claude Ellena, parfumeur exclusif depuis 2004, a créé pour Hermès son premier « grand féminin ». Jour d’Hermès succède, dans l’intention et le nom, à Terre d’Hermès, ce grand masculin qui n’a jamais sorti un seul pied du podium des meilleures ventes depuis son lancement en 2006.
Comment est né Jour d’Hermès ?
Première chose, on voulait un féminin. Deuxième chose, dans les discussions que j’ai eues avec Pierre Alexis (directeur artistique d’Hermès et membre de la famille fondatrice de la Maison) et Pierre Hardy (styliste et collaborateur d’Hermès), il y avait la notion de lumière. L’importance de la lumière pour les artisans. Le parfum aurait pu s’appeler Lumière, aussi. Mais bon. On discute, ils me parlent du Printemps de Botticelli, je leur réponds par Bonnard – on est pas de la même époque ! – et de Marthe, qu’il a peinte toute sa vie et qu’on ne voit jamais vieillir dans ses tableaux, ce qui est assez extraordinaire… Mais je leur parle également d’un autre peintre que j’aime beaucoup, qui est Chassériau, un peintre romantique orientaliste, qui peint des femmes bien dans leur peau, bien plantureuses, de très belles femmes.

Ca, c’est le tout début. Et puis, avec Pierre Hardy, on parle d’Hermès, de la féminité chez Hermès, et on se dit qu’Hermès n’est pas une Maison du soir. C’est une notion que je trouve importante : Hermès est une Maison de l’après-midi. Les vêtements chez Hermès sont souvent élégants, décontractés ; ils se portent l’après-midi jusqu’au début de la soirée, mais quand on passe à la nuit, le soir, tout d’un coup on est plus habillé en Hermès.

En regardant Botticelli, j’ai trouvé une petite information intéressante : dans le tableau, il n’y a que des fleurs, il y en a partout, et il y a 500 variétés représentées. L’essence de la féminité est florale.
Quand je commence à travailler, il y a le pois de senteur, qu’on retrouve ici, le gardénia, et j’aimais bien la dualité entre ces deux fleurs. Le pois de senteur, pour moi, c’est une fleur des champs, une fleur extérieure, et le gardénia est plutôt une fleur d’intérieur, d’appartement, une fleur intime. D’un côté l’aspect champêtre, de l’autre la volupté. J’aimais bien le paradoxe entre ces deux fleurs et je suis parti là dessus. Mais il fallait que le propos se complexifie, parce que je ne voulais surtout pas qu’on puisse dire « ça sent la rose » ou « ça sent le gardénia », je voulais surtout qu’on puisse dire que ça sent les fleurs.
Chacun est libre d’y sentir la fleur qu’il veut ?
Exactement. C’était cette notion de grand floral, je voulais quelque chose d’abstrait qui soit à la fois très naturel. Une naturalité que j’essaie d’exprimer dans le parfum sans qu’on puisse désigner de fleur spécifique.
C’est donc une sorte de fleur universelle…
Oui, ça pourrait être cela, la fleur universelle.
Flair