Et si l’authenticité n’était qu’une pure construction mentale de citadin désenchanté, une faille spatio-temporelle artificielle ouverte par quelques passionarias de la mode ou de la déco, servant d’alibi poétiquement rentable pour nous fourguer des objets fêlés, pourvu qu’ils puissent colmater le narcissisme ébréché des estivants en balade? Gloire à l’authenticité, ce petit jean slim taille basse dans lequel une société « bourrelée » de remords veut rentrer coûte que coûte sans faire péter les coutures. Une société obèse de contradictions, se rêvant authentiquement filiforme et intègre dans le miroir, mais fichtrement grasse et inconséquente dans les faits, jurant et parjurant presque simultanément ses serments d’ascèse. L’authenticité, un club pas très exigeant où il suffit de faire tomber la veste et d’enfiler une blouse, une chemise à gros carreaux et de la terre sous les chaussures pour subjuguer le physionomiste. Un mélange de mignonneries et autres produits dérivés qui mettent à la dérive le concept lui-même.
Avec l’authenticité, le marketing s’est trouvé une nouvelle zone de pêche miraculeuse en cultivant à outrance une nouvelle espèce de moins en moins protégée tant, dans sa définition que dans son contenu.
Pourtant, de Sartre à Husserl en passant par Max Weber ou Anna Arendt, le désir d’authenticité proviendrait d’une perte de repères issue d’une modernité créant un désenchantement du monde. À l’heure où la mondialisation façonne un monde sans cesse plus individualiste et déshumanisé, l’authenticité propose à l’individu, au citoyen et au consommateur, un nouveau champ d’émerveillement, où extase et dévotion se donnent désormais pour sujet d’adoration, non plus l’objet lui-même, mais l’expérience décisive qui découle de son cérémonial de consommation . Véritable arme de reconstruction massive mise en surrégime, l’authenticité se donnerait donc pour mission de retisser à marche forcée un passé, une histoire, un savoir-faire, un lien, mais surtout une crédibilité et une loyauté, envers un consommateur que de nombreuses marques ont volontairement ou non entachée. Aujourd’hui tout est désespérément authentique. Chanel, les enceintes Deviallet, GU, l’Occitane, Lush mais aussi les zadistes, tous vous diront tous qu’ils ont de bonnes raisons de revendiquer souvent à raison une parcelle de sincérité, pourvu qu’ils puissent faire naître chez le consommateur ou le citoyen un pic d’expérience ou de responsabilité grisant et enrichissant.
Une authenticité d’autant plus stratégique qu’une majorité de français sont prêts à récompenser de leur fidélité une marque considérée comme loyale dans sa communication.
Face à un consommateur plus désiré que désirant, chaque marque se façonne une authenticité massive, univoque, dense, irréfutable dont un lieu, une date, une recette, un créateur, une technologie ou une culture, porte l’incontestable trace indélébile tant dans sa forme, sa fonction ou son contenu. Quête identitaire sincère pour les uns, ultime sophisme pour d’autres, ce concept est à la croisée de toutes les vérités et de tous les subterfuges. Puissant levier d’évocation, il est l’insight le plus bankable de sa catégorie. Alors, pour tenter d’en cerner la spécificité, peut-être faut-il employer les mêmes procédures épistémologiques que celles réservées à l’art qui, à défaut de pouvoir dire qui est artistique, tente de dresser la liste de tout ce qu’il n’est pas.
Face à ce nouveau siècle sombre et nihiliste, l’authenticité est-elle un repère mental digne d’intérêt ou une piètre réponse réflexe d’une société effrayée à l’idée de disparaître s’agrippant désespérément à ses racines, quitte à les plonger dans le formol? L’authenticité est-elle chérie pour ce qu’elle est avec la conscience claire de sa signification ou n’est-elle qu’une énième coquetterie mélancolique de gens aisés, couchant leur peur du néant à l’encre d’un stylo Montblanc sur un carnet de note Moleskine ?
Osons espérer qu’elle constitue en réalité l’ultime combat que nous n’avons pas encore perdu face à une mondialisation qui ne supporte plus l’éloquence naturelle des diversités culturelles dont les terroirs et coutumes constituent le coeur battant. Une authenticité traquée, lissée par un nouvel ordre mondial qui sous couvert de simplifications, fusionne méthodiquement peuple, destin et culture en une seule espèce.
1 L’AUTHENTICITÉ UN TERME QUI FAIT DÉBAT À PLUS D’UN TITRE
Un concept d’autant plus énigmatique qu’il reste pour beaucoup d’entre nous une notion confuse dans la mesure où il n’est ni un concept sociologique, ni un concept politique, ni historique. Car enfin, de quelle origine parle t-on? Celle surgissant du fond des âges, résultat d’une longue sédimentation comme celle du volcan de Volvic ou de celle surgissant de notre IPhone sous forme de notification flash. Qui de la montagne ou d’un téléphone aura le dernier mot ?
Habilitée désormais à caractériser un individu, une émotion, une œuvre d’art, une région, une technologie ou plus prosaïquement une terrine de lapin premier prix, l’authenticité est assurément le nouvel argument d’autorité le plus décisif d’entre tous. Une vérité tout terrain, toutes options, corvéable à souhait qui n’en finit plus, telle une matière molle, d’être malaxée, tordue, étirée dans tous les sens notamment par les nouvelles technologies, contrainte de performer sur des registres d’expertise, de citoyenneté, de connivence sans cesse plus larges.
Désormais, est authentique tout ce qui parle vrai, tout ce qui est sincère, cash, qui « dresse les poils » comme ils disent dans The Voice, que ce soit dans sa démarche, dans sa conception, ou dans son franc parler. Dorénavant faut s’y faire, le système des montres Piaget n’est pas plus authentique que la grosse colère de Joanna dans Les Anges de la Téléréalité sur NRJ12 ou la confession supère poignante de Robert, quinqua romantique écrivant des poèmes sur sa moissonneuse batteuse dans Le Bonheur Est Dans Le Pré.
Faute d’un arbre généalogique clair, l’authenticité devient une opinion, une impression, une onde que chacun invoque, évoque, suggère, mais surtout agite, brandit fébrilement comme un certificat de naissance, histoire d’être digne de figurer sur la grande photo de famille. Un cliché qui gagne chaque jour un peu plus en largeur tant le nombre « d’ayant droit » augmente.
Qui y a t’il de commun entre l’authenticité de la formule du Chanel n°5 et la recette prétendument inchangée du Big Mac depuis seulement 20 ans? Rien … si ce n’est la perception du consommateur qui, désormais, place au même niveau d’intensité et de sincérité les deux marques.
L’authenticité n’est pas un concept autonome, c’est un « construit » de notre conscience qui, dans un va et vient permanent, finit par se solidifier dans nos esprits. Celle-ci ne serait donc approuvée que par ricochet, car consécutive d’une conscience qui la valide comme telle. Ainsi, l’authenticité serait en péril sitôt qu’on évoque son signifiant, autrement dit l’énergie qu’elle déploie à vouloir être ce qu’elle prétend ou tout du moins à revendiquer ce qu’on lui demande d’être. Il n’y a déjà plus de véridicité du concept mais un simulacre de vérité car celle-ci n’a pas conscience d’elle-même. On joue à être et de fait, nous ne sommes plus, car une partie de notre énergie se plaît à ressembler à quelqu’un ou à quelque chose.
2 L’AUTHENTICITÉ, ULTIME REPÈRE MENTAL CONTRE LA MONDIALISATION
Au moment même où nombre d’états renoncent à leur souveraineté politique, économique et financière au profit de structures lointaines et désincarnées, l’Homme se sent menacé dans ses spécificités historiques dont sa région, son histoire, ses traditions culinaires deviennent des icônes encombrantes pour ce nouvel ordre mondial qui ne veut plus voir en lui qu’une poignée de postulats, d’algorithmes dont on étudie les fluctuations de New York à Francfort en passant par Davos.
Pendant qu’on délocalise ses traditions à Bruxelles, son avenir à Wall Street et ses emplois en Asie, l’Homme se présente au seuil du XXIème siècle, vidé de sa sève identitaire par le même câble qui, de divertissement en nourriture le relie indéfectiblement à une matrice, laquelle s’il n’y prend garde pourrait aussi bientôt lui servir de racine parentale.
Le désir d’authenticité naît à l’interface de cette triple amputation réalisée sans morphine ni ménagement, amputation à la fois culturelle, économique et historique.
Elle puise ses racines dans un phénomène de désamour aigu mêlant amertume, suspicion et cynisme vis-à-vis d’institutions ou d’idéologies dont elle dénonce la dérive technocratique, fusionnant méthodiquement peuple et culture en une seule espèce.
Une pesanteur morale
Sur quelle base décide t-on d’affirmer ce qui est authentique de ce qui ne l’est pas, comme si tout ce qui venait ensuite ne l’était dèjà plus. Le Baron Hausmann avait t-il conscience de construire un Paris « mythique » dont s’émerveilleraient trois siècles plus tard le monde entier. Certes non. Gustave Eiffel avait-il pour objectif de bâtir l’un des monuments les plus emblématiques du XXème siècle, pas plus. Tout deux avaient simplement conscience de faire pour le mieux. Une authenticité qui ramène donc invariablement la notion d’idéal à se voir conjuguer au passé, au plus qu’imparfait et jamais au futur, faussant immanquablement tout rapport apaisé avec la modernité. L’authenticité serait donc inéluctablement marquée du sceau de la culpabilité et de notre incapacité à créer de la nouveauté dont l’intemporalité transcenderait par son éloquence, les goûts et les inclinaisons de chacun.
Un enjeu de pouvoir pour imposer notre rayonnement
Si on peut se féliciter à raison de la notoriété des artistes et artisans portant à bout de bras les savoir-faire français dont les corporations les plus diverses sont réunies sous l’égide du Comité Colbert, ce culte de l’auto satisfaction ne nous a t-il pas fait perdre de vue l’essentiel ?
Préserver et promouvoir les savoir-faire liés à l’identité de la France, telle est la noble mission de ce prestigieux cénacle. Mais, cette préservation, n’a t-elle pas sans le vouloir jeté sur les savoir-faire des autres nations une sorte de discrédit involontaire liée à une vision hautaine de nous-même, persuadés qu’en dignes héritiers du Roi Soleil, rien ne pourrait assombrir la brillance de nos maîtres joailliers, la créativité de nos tailleurs haute couture, la fertilité de nos vignes et de nos cépages, la dextérité de nos céramistes d’art et autres tapissiers du musée du Louvre.
Car évidemment, l’authenticité est aussi une affaire de rayonnement international. Un rayonnement qui a peut être fini par nous aveugler tant nous avons cru malheureusement que ces rayons illumineraient pour l’éternité aux quatre coins de l’univers, l’éloquence des savoir-faire français. Malheureusement, nos « vieilles pierres » dont les américains raffolent finissent par peser lourd. Comme le dit Tobie Nathan, nos mille ans d’histoire chargent le concept d’une richesse indéniable mais aussi d’une vision hautaine autocentrée sur elle-même. Elle finit par devenir un « piège que se tendent les défenseurs d’un ordre ancien non par amour de celui-ci mais par crainte de ne rien créer de plus audacieux ».
Un « code » de communication plus qu’un « contenu » réel
Les consommateurs sont incontestablement en quête d’authenticité, mais probablement davantage en quête de vérité symbolique. L’authenticité ne dépend donc plus seulement de la volonté de la marque de s’afficher comme telle mais aussi du bon vouloir du client de la reconnaître comme conforme à ses attentes. L’autre question n’est pas de savoir si l’individu a réellement une expérience inédite, mais plutôt si celui-ci confère à celle-ci de l’authenticité. Faute de pouvoir nous délivrer une prestation convaincante, nombreuses sont les marques à nous vendre une fiction à laquelle le consommateur finit par adhérer. Allées généreuses, amplitudes horaires, livraison gratuite, sac à courses design. Ces objets ou services sont alors principalement perçus comme des signes et symboles d’authenticité, même s’ils ne sont pas porteurs intrinsèquement du message.
a) L’authenticité militante : un désamour violent de la modernité et de ses avatars
Faire tomber les masques et dénoncer un modèle de consommation effréné… L’idéal matériel est-il un idéal moral ? Une question qui fait écho aux errements d’un capitalisme débridé, dénoncé tant par les citoyens que par leurs gouvernements.
S’en suit un regain d’intérêt pour les discours parfois radicaux issus de mouvements alternatifs souhaitant la décroissance afin de stopper le gaspillage alimentaire, préserver les ressources naturelles restantes et mieux répondre aux besoins vitaux de chacun.
La mondialisation serait une forme de déchéance, d’aliénation au regard du passé que par son ignorance elle trahit. Elle n’est pas son contraire, elle est sa négation. Elle sort d’une neutralité pour devenir véhémente, anxieuse d’elle-même et devenir une forme d’activisme qui, dans ses formes les plus extrêmes, peut employer la violence.
C’est dans ce contexte d’affaissement des valeurs humanistes, qu’une jeune génération trouve les fondements d’une critique dénonçant une convergence voire une connivence dangereuse des systèmes de production, d’information et de pensée, assurant aux mains qui en ont la charge, une souveraineté alarmante. Par son omnipotence, celle-ci détruit les conditions même de notre adhésion à ses logiques et par là même, la ferveur de ce qui l’a menée là où elle se trouve. Ne plus rien attendre des autres, pas même un défi, tel pourrait être le principe général d’action de cette tendance qui déploie au sein même des schémas comportementaux qui lui sont imposés, une esthétique de la résistance, de la sédition où l’on surinvestit le « Je » de l’action au « nous » de la concertation, des promesses et de l’inaction.
Un « Je » qui exprime le souhait de redevenir un être authentique (du grec « authentiquos » : qui agit de sa propre autorité), ressuscitant par certains côtés, le concept du héros identitaire, non pas celui faussement rebelle disponible dans toutes les tailles chez Gap et Zara, mais celui habité d’une mission, comme l’association L214 à dénoncer, vidéo à l’appui, les maltraitances sur certains animaux au moment de l’abattage.
b) l’authenticité mise en péril par la rencontre de 3 méga-tendances
Une authenticité qui part en guerre contre trois menaces convergentes qui, une fois rassemblées seront indestructibles
La convergence socio culturelle
Au moment où la mondialisation formate allègrement notre goût autour de cinq plats principaux : sushi, pizza, hamburger, kebab et cappuccino, l’authenticité des goûts, le maintient des identités locales luttent efficacement contre l’homogénéisation des pratiques culinaires.
Le rituel, plus fort que McDonald’s. Manger sain et authentique fait aussi l’objet d’un vrai cérémonial dans la manière d’y parvenir. Absence d’engrais, ramassage manuel pour les fruits et les légumes, utilisation de certaines farines pour le pain, temps de maturation, temps d’affinage ou d’élevage, AOC, sont autant de terminologies renvoyant à un rituel scrupuleusement codifié afin d’assurer à ces produits une charte de qualité exceptionnelle.
Leur intransigeance à faire perdurer ces pratiques vertueuses du passé en font les gardiens sourcilleux des savoir-faire en passe d’être oubliés. Compagnonnage, meilleur ouvrier de France, autant de titres synonymes d’excellence. En cela, ils luttent efficacement contre les différents laxismes industriels notamment dans l’alimentaire.
On le voit, dans un monde globalisé, les personnes ressentent peut-être plus qu’hier le besoin de manifester leur attachement à un terroir et de développer des signes d’identité locale. Les confréries gastronomiques défendent ainsi par un protocole jalousement observé, l’intégrité et la primauté d’une spécialité régionale telle que celle du brie de Meaux ou le sel de Guérande. Toge, couvre-chef, pendentif identitaire et insignes de toutes sortes font de ces rassemblements annuels des moments forts de la vie locale.
La convergence technologique
Qui menace nos marques dans leur spécificités.
Conséquence d’un réductionnisme triomphant, plusieurs domaines des sciences sont en train de s’hybrider pour ne faire plus qu’un et nous livrer un monde où seuls survivront quelques marques. Toutes celles qui demeureraient soit complexes, soit différentes devront se simplifier ou disparaître. Le rapprochement des sciences, des technologies informatiques et numériques a pour objectif d’absorber toute la diversité des opérateurs pour nous les restituer sous un média unique, cf le smartphone.
Ce rapprochement va supprimer de nombreuses marques par absorbation de leur segment. Appareil photo, caméra, musique, livre, calculatrice, agenda, podomètre sont désormais devenus des savoir-faire digérables par ces multinationales numériques.
La menace 3D. La prolifération des imprimantes 3D constitue un bouleversement majeur dans l’économie. Si celle-ci rend le consommateur autonome, elle risque en revanche de mettre en péril les marques dont les produits, cf jouets ou pièces de rechange risquent d’être dupliqués à grande échelle sans autorisation.
L’industrie s’expose donc aux mêmes risques de piratage que la musique ou le cinéma. Les pièces de LEGO, de conception basique se vendent à un prix élevé et sont une cible idéale pour les adeptes du « logiciel libre », qui veulent démocratiser certains objets, en offrant aux internautes des fichiers permettant de les produire à moindre prix.
La convergence commerciale.
McDonald’s, Zara, Starbucks, Louis Vuitton. Chaque jour, ces enseignes sont en train de rythmer sur un même insight la vie de milliards d’habitants. Triomphe des marques uniquement centrées sur la recherche du plus grand commun dénominateur. Volonté d’uniformiser les comportements afin de dégager des marchés potentiels colossaux. Disparition des marques au profit de showrooms partagés par plusieurs opérateurs où les produits sont visibles, essayables mais seulement commandables sur des bornes. Avec Amazon, la marque anonymisée devient parfaitement interchangeable. Celle-ci n’est plus qu’une représentation mentale, une pure abstraction. La marque est ramenée à une pure fonctionnalité dénuée d’imaginaire. Le distributeur a donc substitué à la valeur de la marque, une valeur d’économie et de rapidité plus « parlante » pour le consommateur.
c) L’authenticité militante : ultime rempart contre la perte des savoir-faire des traditions et des héritages.
Une légende.
Celle de Volvic, et de l’histoire de son volcan. Une montagne dont les palpitations telluriques ne demandent qu’à sortir et énergiser notre corps et notre mental. Un volcan qui nous appelle, nous guide, nous donne une force inconnue. Il est, comme se plaît à le préciser la marque, notre second souffle, notre premier pas vers la victoire.
Un rituel Des marques comme Kusmi Tea, Dior, Mikado ou Herbal Essence, ont très vite saisi l’intérêt qu’il y avait de développer autour d’elles un protocole, une mystique, un sillage vertigineux susceptible de captiver des communautés de consommateurs, pour qui l’expérience et l’initiation l’emportent sur le prix, l’accessibilité ou la technologie.
Une pédagogie
Les journées particulières de Louis Vuitton, un rendez-vous à l’échelle européenne où le groupe de luxe ouvre largement au public cinquante lieux d’exception. Une opération couronnée de succès ayant attiré plus de 100.000 personnes lors des dernières éditions. Ces journées sont l’occasion de mettre en lumière la diversité des métiers du groupe: Christian Dior, avenue Montaigne, les ateliers Louis Vuitton à Asnières, le joaillier Chaumet place Vendome, les ateliers de souliers sur mesure Berlutti mais aussi les filatures Loro Piana en Italie ou la manufacture horlogère de Louis Vuitton près de Genève.
d) La marque niche, plus authentique que les grandes marques de parfum
Frédéric Malle racheté par Estée Lauder, Atelier Cologne chez L’Oréal. Jamais, sans doute, les marques de créateur n’ont autant été séduit les grands groupes de cosmétique. Gardiens d’une authenticité intacte, ils sont pour de nombreux clients gage de crédibilité et de savoir faire.
Estimée aujourd’hui à 1,0 milliard d’euros, la parfumerie de niche connaît, de loin, la croissance la plus importante du marché. Ce micro marché est en pleine explosion depuis plusieurs années et a sauvé un marché du parfum menacé d’affadissement et de paupérisation. Lancées par Serge Lutens et Annick Goutal dans les années 1980, les marques de parfum haut de gamme ayant recours à davantage d’ingrédients naturels et vendues à des prix nettement plus élevés, se sont multipliées.
« Cette parfumerie a premiumisé le marché ces dernières années, en ramenant du ré-enchantement dans les points de vente et de l’éducation chez les consommateurs ». Ces « jus », plus sophistiqués et plus chers, ont vocation à se différencier de la masse d’un marché saturé de lancements – plus de 1.000 par an contre moins de 40 dans les années 1970 – et miné par les promotions.
Authenticité d’un réseau en propre.
En concurrence avec le digital, les lieux physiques doivent proposer des expériences uniques et mémorables, pour répondre aux attentes du « shopper du futur ». Surinformé, exigeant, pressé et d’humeur changeante, ce dernier est en quête de sens et d’émotions mais aussi de relations humaines et de lien social. Nouveau phénomène dans la distribution, les grandes marques comme Chanel, LEGO, Lindt, décident de plus en plus de créer leur propre réseau de magasins, plutôt que de passer par les grandes surfaces. Un magasin M&M’s devrait bientôt ouvrir sur les Champs-Élysées tout comme un magasin Maybelline à Orléans.
Contrôler son image. En maitrisant à nouveau leur distribution, les marques se réapproprient l’univers dans lequel sont présentés leurs produits.
Apple crée un cadre valorisant pour ses produits et ses clients dans ses Apple Stores minimalistes, comme des espaces ouverts sur l’extérieur ou des tables de démonstration aux lignes épurées. Pourquoi ces magasins sont-ils si différents ? Parce que ce sont des lieux de vie avant d’être des lieux de vente. Les visiteurs peuvent s’y retrouver, échanger, apprendre.
Favoriser l’expérimentation : De plus en plus d’enseignes comme le Megastore Globetrotter de Cologne placent le client au centre de l’expérience en le faisant interagir avec les produits. Dans ce centre commercial dédié au sport outdoor, il est possible de tester les canoës dans de vrais bassins de 4,50 m, de vérifier l’étanchéité des imperméables dans une grotte, où de la pluie tombe du plafond ou enfin de mettre les cordes à l’épreuve sur un vrai mur d’escalade.
Donner toute sa place à la dimension humaine : Aujourd’hui, les marques n’hésitent plus à choisir leurs égéries au sein même de leur clientèle. Elles organisent des castings sur Internet ou en magasin. Les clients deviennent les ambassadeurs de marques.
Offrir une expérience mémorable : Les parfumeries Jo Malone accueillent les clients avec un massage personnalisé des mains à base d’émulsion de parfum. Cela pour qu’ils profitent d’un moment de détente et d’intimité avec la marque avant de procéder à l’achat d’un produit.

3 L’AUTHENTICITÉ SYMBOLE DE CONVICTION ET DE VISION À LONG TERME POUR LA PRÉSERVATION DE NOTRE PLANÈTE.
Danone, Tesla, on ne compte plus les marques qui, à la faveur de la démission des politiciens, se sont emparées des grandes causes mondiales. Un consommateur qui souhaite des marques de convictions. C’est-à-dire une marque visionnaire, holistique, cohérente et engagée, qui exprime ses convictions. Un terme à la croisée de l’éthique et de la politique, qui sort du champ étroit du marketing. La marque de conviction affiche des arguments et doit convaincre l’ensemble de ses cibles par l’explication et la pédagogie.
Starbucks a ainsi récemment décidé d’embaucher contre l’avis de l’administration Trump des clandestins.
4 UNE RHÉTORIQUE DU LIEN PLUS QU’UNE RHÉTORIQUE DU LIEU.
Libéré d’une obligation stricte d’historicité, de localisation, d’héritage ou de transmission de nouveaux opérateurs enrichissent, le concept d’authenticité d’une nouvelle sève inédite bousculant ainsi les hiérarchies établies.
Le vendeur Apple plus convaincant que le vendeur de la Fnac.
Les marques qui réussissent à présent sont également celles qui ont compris que leur clientèle est en attente d’une véritable relation humaine. Les clients souhaitent désormais des interlocuteurs de vente, vivants avec la même connaissance et la même intensité, l’expérience de la marque. C’est le cas notamment dans les Apple Stores où les équipiers sont, avant d’être des vendeurs, des fans absolus de la marque à la pomme, connaissant en tant qu’utilisateur l’univers et les valeurs de la firme de Cupertino.
Plus qu’un simple salarié, le consommateur attend à présent un conseiller, un coach, un accompagnateur, une personne avec qui vibrer et échanger véritablement.
AIRBNB plus aspirationnel que le groupe Accor.
« Ne visitez plus, vivez là-bas ». En invitant ses membres à ne plus visiter un pays mais à s’immerger totalement dans la culture locale, en vivant au plus près de la réalité quotidienne de l’hôte AirBnB, la marque Californienne a parfaitement compris que le désir d’authenticité ne dépend plus du lieu visité mais de la sincérité de l’immersion.
Le macaron de Pierre Hermé, plus tripant que le Saint Honoré de Dalloyau.
Une « nouvelle scène » culinaire bouscule avec délice les hiérarchies établies. Ainsi, il y a fort à parier que le macaron de Pierre Hermé, vieux d’une dizaine d’années, « sonne plus vrai » que le Saint Honoré de Dalloyau, vieux pourtant de 150 ans. Parions aussi que la nouvelle Cooper à 14 000 euros est éminemment plus « anglaise » qu’une Jaguar qui brade son histoire à partir 35 000 euros. À quoi sert un héritage qu’on ne peut ou qu’on ne sait plus transmettre ?
Alain Rousso