La SNCF ou l’art de traiter les effets plutôt que les causes
Grèves à répétition, vétusté du réseau, rames surchargées, retards chroniques des trains, avaries de matériel, rarement service public n’a autant concentré de mécontentement vis à vis de ses clients excédés par ces problèmes à répétition. Ajoutez à cela une année 2017 cataclysmique en terme de loi des séries où l’institution ferroviaire a dû gérer dans la plus grande improvisation une masse d’incidents majeurs notamment à la gare Montparnasse victime successivement d’une panne de signalisation, du système d’aiguillage et enfin d’une panne d’électricité géante. L’année 2018, selon toute vraisemblance, devrait au grand désarroi des usagers poursuivre les même péripéties.
Autre sujet d’irritation pour les voyageurs, le jargon volontairement énigmatique de la SNCF pour annoncer des travaux surprise sur les parcours quotidiens qui obligent les usagers à finir le trajet avec des autocars de remplacement mis « gracieusement » à leur disposition. Qui sait que travaux sur « appareils de voie » mentionnés sur une affiche désignent en réalité les aiguillages et les rails ? Les agents ont une technique : ils préparent du café, posent des tréteaux et interpellent les passants : « Sachez que les trains ne circuleront pas ce jour-là ». Temps supplémentaire estimé, environ une heure.
Pour seule réponse à ces dysfonctionnements, la SNCF se contente d’augmenter le nombre de kits repas, de « bons voyages » et de « gilets rouges », nom donnés aux agents anti-stress chargés de faire « tampons » expliquant aux voyageurs pris dans la tourmente d’une grève ou d’un incident comment rentrer au mieux chez eux.
Tous ces « colmatages » de dernière minute attestent clairement que les problèmes de fond ne sont pas traités. Et pour cause les points de crispation ne se situent pas forcément là où on les attend.
Quand la SNCF dépense plusieurs milliards pour raccourcir la durée d’un trajet de 35 minutes, identifie-t-elle les bons leviers de satisfaction réellement perceptibles par le consommateur ? Quand on prend conscience qu’avec 0,001 % de cette somme, l’entreprise ferroviaire pourrait installer le wifi dans tout ses trains et agir de manière beaucoup plus décisive sur la notion de temps passé et ainsi offrir un service parfaitement mesurable qui lui ne dépend pas d’une grève ou d’une avarie de matériel.
Comme l’a dit un journaliste : « L’irritant viendrait d’une asymétrie d’une analyse de la valeur entre concepteur d’un projet et utilisateurs, entre la sphère rationnelle des uns et la sphère émotionnelle des autres.
À coté de la valeur absolue qui s’imposerait au consommateur il y aurait une valeur relative à l’action plus décisive sur son choix final. La valeur du contexte dans laquelle s’inscrit le produit compte tout autant que le produit lui même.
Ce n’est pas l’attente qui est énervante mais le niveau d’incertitude dans lequel sont plongés les gens sur le quai par manque d’information. »
Alain Rousso