Un vieux rêve de l’humanité est de se réfugier sur une île pour y refaire sa vie, voire le monde, inventer une société meilleure, expérimenter des voies nouvelles pour l’humanité. Né dans l’urgence de la menace environnementale, ce courant qui a gagné l’urbanisme interpelle, depuis dix ans, économistes, institutions internationales et gouvernements.
Ce mouvement a un drapeau – bleu, couleur des océans – et un pays pionnier : les Pays-Bas. Elu en 2007 parmi les personnes les plus influentes de l’année par le magazine Time, l’architecte Koen Olthuis, cofondateur de l’agence Waterstudio, à Ryswick, est l’un de ses praticiens et théoriciens.

Comment allons-nous affronter les problèmes de surpopulation? De pollution ? Résister à la montée des eaux ? » Sa réponse : en bâtissant des quartiers flottants, de nouvelles îles, en aménageant des plans d’eau pour un urbanisme amphibie. En 2009, l’agence a dessiné le projet Citadel, une cité flottante de 60 appartements installée dans un polder délibérément ouvert aux eaux. « Nous l’appelons Citadel, car ce sera la dernière ligne de défense contre la mer », explique Koen Olthuis.
Une telle conception, avance l’architecte, va bouleverser toutes nos habitudes urbaines. Elle nous oblige à revoir « notre vision statique des villes » : la terre habitée ne sera plus tout entière « ferme ». Il n’est pas le seul à le penser. Du 26 au 29 août, signe des temps bleus à venir, se tiendra à Bangkok Icaade 2015, la première conférence internationale sur l’architecture amphibie.

Un autre projet conçu pour un bassin portuaire est le Sea Tree, l’arbre de mer. Conçu par Waterstudio, encore dans les cartons, il révèle une autre dimension de l’architecture bleue : son exigence écologique.

C’est un autre volet stratégique de la construction « bleue » : récupérer et consolider les principes de la construction « verte ». Autrement dit, s’appuyer sur les énergies durables (éolien, solaire, chauffage passif, géothermie), végétaliser les terrasses et les toits, intégrer les immeubles à l’écosystème local, s’inspirer des formes naturelles. Les partisans de l’architecture « bleue » avancent enfin qu’elle devrait permettre d’éviter un des drames possibles du changement climatique : la submersion de nombreuses îles du fait de la montée des eaux.
Nous sommes cette fois au-delà de l’utopie insulaire, en pleine mythologie biblique : nous concevons une arche de Noé pour nous sauver du Déluge. « Dans les pays menacés, on se demande : “On commence quand ?” », assure l’architecte Vincent Callebaut.